Certificat d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) : Consultation ou provocation ?

Le Staff s'adresse au ministre

Depuis 2022, le Syndicat des trieurs de semences alerte le ministère de l'Agriculture sur l'inadaptation du dispositif CEPP à la profession des trieurs de semences. Aujourd'hui le ministère prépare un décret qui vise à : « fixer les obligations CEPP pour la période 2024-2025, en reconduisant les modalités actuelles du dispositif » ; et surtout à « mettre en place une contravention de cinquième classe pour les entreprises n’ayant réalisé aucune déclaration ou ayant réalisé moins de 10 % des obligations notifiées ». Le ministère a ouvert une consultation en ligne du 30 août au 19 septembre, soit au pire moment pour les trieurs, occupés entre moissons et semis à préparer les semences de plus de la moitié des surfaces de céréales à paille de la moisson française de 2024. La publication du décret est annoncée pour la fin décembre 2023. Le Syndicat des trieurs s'adresse donc au ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, pour être entendu de toute urgence avant la publication du décret. Depuis deux ans, lors de multiples échanges et rendez-vous, le Staff explique aux services de l'État les raisons pour lesquelles le dispositif CEPP est « organiquement » inadapté à leur profession. - Le dispositif CEPP est un processus marchant, du type « bonus/malus » mais qui, à la différence de ce qui se fait pour les voitures, n'impacte pas l'acheteur final (agriculteur) mais l'« obligé », à savoir le dernier intermédiaire qui se trouve dans la chaîne entre la firme productrice de produits phytosanitaires et l'utilisateur (agriculteur). Le décret définit ainsi trois catégories d'obligés : les distributeurs, les prestataires de services d'applications et les distributeurs de semences certifiées. Ces obligés sont loin d'être sur un pied d'égalité. Environ 99 % des produits phytosanitaires sont des produits de pulvérisation commercialisés par les réseaux de distribution, alors que les produits de traitement de semences sont vendus en direct par les firmes aux applicateurs et aux stations de semences. Ainsi, les trieurs mobiles de semences de ferme utilisent moins de 0,5 % des volumes de produits phytosanitaires employés en France. Les trieurs ne sont pas des distributeurs mais des applicateurs de traitement de semence. Ces traitements sont choisis, voire imposés par leurs clients. Ils n'ont donc pas de moyens d'action. Ils ne peuvent pas comme les distributeurs proposer des produits alternatifs qui rapportent des certificats d'économie de produits phytosanitaires (Cepp) qui viennent compenser les « obligations notifiées » par l'administration sur la base des ventes de produits « malusés ». Dans l'impossibilité de réaliser des actions de réduction « monnaie d'échange », les trieurs se retrouveraient sous la menace de contravention prévue par le projet. Pourtant, les trieurs développent depuis des années des actions d'économie de produits phytosanitaires. Ce sont principalement : - la pratique des traitements différenciés qui permet d'adapter, parcelle par parcelle, la protection des semences à la réalité des menaces (maladies et ravageurs) connues des agriculteurs ; - les cultures en mélange dont l'avantage est d'augmenter la capacité de résilience des cultures, et donc de réduire l'utilisation des phytosanitaires. Mais si les avantages de ces pratiques empiriques sont validés par une part croissante des utilisateurs de la semence de ferme, les sciences agronomiques et agricoles ne savent pas en mesurer les bénéfices. Comme dans l'esprit des scientifiques du Comité d'évaluation des CEPP, « ce qui ne peut être mesuré n'existe pas », les trieurs se trouvent donc, malgré leurs efforts, dans l'impossibilité d'obtenir des certificats d'économie de produits phytosanitaires (Cepp). Les trieurs dénoncent d'autant plus l'effet discriminant du dispositif CEPP à leur égard que les traitements de semence se sont vu notifier une part totalement disproportionnée par rapport aux produits phytosanitaires appliqués par pulvérisation. Ainsi, la part des obligations notifiée en 2022 aux traitements de semences représenterait 35 % des obligations, alors qu'ils ne pèsent que 0,5 % du tonnage des produits phytosanitaires utilisés en France. Les trieurs mettent également en cause la méthode de calcul du dispositif qui les expose de manière rétroactive à des obligations dont ils ne connaissent pas les valeurs au moment de leur action. Aujourd'hui les trieurs s'interrogent. « Sous couvert d'un dispositif qui se veut en faveur de l'environnement, le CEPP ne serait-il pas une nouvelle fois, une attaque contre la profession des trieurs à façon ? Ne serait-ce pas pour certains un nouveau moyen de chercher à faire disparaitre la profession des trieurs ? » Face à la complexité du sujet, à la particularité évidente des traitements de semences comparés aux produits de pulvérisation, à la singularité professionnelle des applicateurs, à la distorsion des connaissances scientifiques et techniques en matière d'évaluation des pratiques d'économie de produits phytosanitaires, il apparaît indispensable d'adapter le dispositif des CEPP aux traitements de semences et à leurs prestataires d'application. « Le seul retour que nous a fait l'administration est encore loin de suffire à lever toute nos inquiétudes, à court terme comme a long terme», regrette Julien Grasset, vice-président du Staff. « Monsieur le Ministre, il est encore temps de choisir entre bon sens et injuste aberration », affirme le Staff, Syndicat des trieurs de semences de ferme. "Inscrivez noir sur blanc dans le texte du décret : « Un dispositif CEPP spécifique aux traitements de semences sera élaboré avec les représentants de la profession durant la période 2024-2025 couverte par le décret » ou sortez-nous de ce dispositif inadapté conçu pour d'autres professions ! » Contacts : Julien Grasset, vice-président du Staff en charge du dossier CEPP : 06 03 41 79 00

2023-09-29 17:40:57

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