Paris, le 10 Décembre 2025
Le Syndicat des Trieurs à Façon de France (STAFF) exprime sa profonde inquiétude après l’accord en trilogue sur les Nouvelles Techniques Génomiques (NTG).
Issus de 5 mois de discussions entre représentants des états membres et la Commission, cet accord sera soumis au vote du Parlement européen et du Conseil en mars. En l’état, il ouvre la voie à une déréglementation massive, sans garanties suffisantes pour les agriculteurs, les trieurs à façon et l’ensemble des filières. Si le débat sur les risques sanitaires éventuels a occupé l’essentiel de l’attention qui lui a été accordé par les médias, ce volet ne doit pas masquer les autres dangers du texte. 1. En l'état, le texte fait la place belle aux brevets qui sont pourtant incompatibles avec la sécurité juridique des agriculteurs et des trieurs. La suppression de l’obligation de publier les méthodes de détection des caractères brevetés ouvre la porte à une extension incontrôlée des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques utilisées quotidiennement dans les filières agricoles. Cette opacité entraîne : • un risque permanent de poursuites pour contrefaçon en cas de contamination fortuite, • une inversion de la charge de la preuve au détriment des agriculteurs et des stations, • des conséquences économiques majeures pour les petites structures, incapables de se défendre face à des multinationales disposant de portefeuilles de brevets massifs. Le STAFF rappelle que la semence de ferme est un droit fondamental qui ne doit pas être fragilisé par une propriété intellectuelle excessive et opaque. 2. Le STAFF reconnaît la nécessité de financer la recherche, mais refuse le brevet comme modèle Le STAFF reconnaît pleinement que l’innovation variétale et les NTG nécessitent des investissements importants en recherche. Cependant, le brevet n’est pas le bon outil pour financer à long terme un tissu d'acteurs et filières diversifiés avec cette innovation. Le modèle européen s’appuie depuis 1961 sur un mécanisme équilibré, efficace et largement accepté : le Certificat d’Obtention Végétale (COV). Le COV permet : • - la création de richesse variétale et génétique, • - le maintien d’une diversité d’acteurs, • - la possibilité pour les agriculteurs d’utiliser des semences de ferme sous conditions, • - un équilibre entre rémunération de l’obtenteur et liberté de pratiquer la sélection et la reproduction végétale. À l’inverse, le brevet conduit à la concentration du marché entre les mains de quelques acteurs étranger et à la privatisation de caractères variétaux et de séquences génétiques, qui sont un bien commun : • - mainmise de quelques grands groupes multinationaux sur la génétique, • - contrôle de l’ensemble de la chaîne alimentaire, • - réduction de la diversité des entreprises semencières, • - dépendance croissante des agriculteurs. Pour le STAFF, une approche cohérente consisterait à : • - étendre le système des COV aux NTG, • - OU créer un COV spécifique aux NTG, plus adapté que le brevet aux réalités agricoles, • - ET éviter toute forme de propriété intellectuelle privant les agriculteurs et trieurs de leur autonomie. Il est important de rappeler que les OGM protégé par brevet sont en place depuis plus de 30 ans dans le monde, pour autant les plus gros exportateurs de céréales mondiaux sont l’Europe et la Russie et ils ont jusque là toujours refusés les brevets sur le vivant. De plus le modèle COV permet toujours à la France d’être le premier exportateur de semences au monde. 3. Absence d’étiquetage et de traçabilité : une fragilisation profonde des filières L’accord supprime la traçabilité obligatoire, l’étiquetage des produits finaux, les obligations de coexistence et la possibilité pour les États d’utiliser une clause de sauvegarde. Pour les trieurs à façon, cela signifie qu’ils pourraient être amenés à trier des grains issus de NTG non identifiables, potentiellement brevetés et non déclarés. Cela rend impossible : • - la garantie de la pureté variétale, • - la protection des filières biologiques et “sans OGM”, • - la sécurisation des relations contractuelles. De plus, la transparence permise par le catalogue variétale doit être étendue au NGT, et toute variété inscrite devrait spécifier au catalogue les méthodes d'obtention ainsi que l'existence de brevets octroyés ou en cours de dépôt au sein de ladite variété 4. Risques accrus de contamination dans les opérations de triage et de collecte Le STAFF souligne que les contaminations peuvent survenir : • - dans les moissonneuses-batteuses, • - les bennes et remorques, • - les silos, cellules, fosses et élévateurs, • - par dissémination naturelle (pollen, repousses). Sans outils de détection ni traçabilité, ces contaminations deviennent inévitables, impossibles à prouver et dangereuses juridiquement. En effet cela peut entraver l'organisation de la chaine alimentaire au niveau de la collecte et de la transformation, et contrevient aux objectifs d'autonomie alimentaire. 5. Un cadre incomplet : déréglementer aujourd’hui, réfléchir dans 18 mois « La Commission collaborera avec les parties prenantes pour élaborer un code de conduite européen dans un délai maximal de 18 mois après l’entrée en vigueur du règlement. » Mettre en œuvre une réforme aussi structurante sans cadre préalable est inacceptable. Il est impensable que ces outils soient opaques, organisés par quelques entreprises dans leurs propres intérêts et ne garantissent pas que les relations commerciales soient équitables envers les ETI et PME. L'état doit en effet réglementer dès le départ. 6. Acceptation forcée des contaminations en agriculture biologique « La présence techniquement inévitable de végétaux NTG1 ne constituera pas un cas de non- conformité en agriculture biologique. » Cela fragilise la crédibilité du bio, les filières sans OGM et la confiance des consommateurs. CONCLUSION : Le STAFF appelle les députés européens et les États membres à rejeter cet accord en l’Etat Parce qu’il met en danger : • - la liberté des agriculteurs, • - la sécurité juridique des professionnels de la production de semences • - la diversité génétique et économique, • - la création variétale indépendante, • - le rôle essentiel du COV, • - et la souveraineté alimentaire ! le STAFF demande une refonte complète du cadre fondée sur : • - une traçabilité obligatoire des NTG, au moins durant une période initiale • - un étiquetage clair, • - des méthodes de détection transparente, • - des mesures de coexistence entre cultures NTG et non NTG applicables, • - un modèle de financement basé sur les COV. Le STAFF appelle les professionnels de la semence et de l’agriculture à se mobiliser pour défendre, haut et fort un modèle de droit de propriété intellectuelle (DPI) qui garantit l’équilibre entre obtenteurs et agriculteurs parce que l’agriculture européenne ne doit pas perdre son ADN. Julien Grasset Président STAFF : Syndicat des Trieurs A Façon de France 44 Rue Alésia, 75014 Paris 06.03.41.79.00 j. grasset@abgservices. fr
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